C’est un premier roman. C’est donc original sans être totalement événementiel même si l’auteur est jeune et devrait donc, à priori se bonifier avec le temps. J’ai terminé le livre, il y a plus d’une quinzaine mais j’ai eu beaucoup de mal à exprimer mes sentiments et je pense que ce petit écrit ne rendra pas parfaitement compte de mes impressions, ma foi, bien contradictoires.

« Ici c’est La Fourrière, un « village de nulle part » et c’est un enfant qui raconte : massacrer le chien de « la grosse conne de voisine », tuer le cochon avec les hommes du village, s’amuser au « jeu de l’arabe », rendre les coups et éviter ceux des parents.

Ici on vit retiré, un peu hors-la-loi, pas loin de la misère aussi. Dans cette Guerre des boutons chez les rednecks, les bêtes sont partout, les enfants conduisent leurs parents ivres morts dans des voitures déglinguées et l’amitié reste la grande affaire.
C’est un pays d’ogres et d’animaux errants, un monde organique fait de pluie et de graisse, de terre et d’os, où se répandent les fluides des corps vivants et ceux des bestioles mortes. Même le ramassage scolaire ressemble au passage des équarisseurs.
Mais bientôt certains disparaissent, les filles vous quittent et la forêt finit par s’éloigner. »

 Etonnant roman à plusieurs titres qui semble formé de deux parties complètement différentes  au point que j’ai pensé que la fin comprenant une trentaine de pages, qui tranche réellement jusqu’à choquer, ne faisait pas partie du même roman. Celui-ci débute comme la chronique rude mais très vivante, alerte, de deux ados durant un été à la campagne où ils vivent dans le sud- ouest  de la France. S’il y a un petit peu une mode en ce moment pour faire passer les ruraux pour des taiseux philosophes humanistes, ici, c’est loin d’être le cas.

A la Fourrière, sur des terres communales vivent deux familles exploitant les terres et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils ressemblent bien à leurs cousins ricains rednecks .Alors, j’ai lu que ce roman se moquait de la ruralité mais ce n’est pas le sentiment que j’en ai eu. Les gamins ont l’air d’être livrés à eux-mêmes, sans repères parentaux efficients, et d’être obligés de grandir comme ils le  peuvent, avec à la clé le lot de conneries qui va avec, c’est certain mais ce genre de familles, de comportements existe aussi et il serait malhonnête de vouloir nier leur existence comme il serait stupide d’en faire une généralité. Sans doute, l’auteur a exagéré un peu le trait mais de nombreuses anecdotes m’ont rappelé beaucoup de souvenirs de mes séjours estivaux durant l’enfance à la campagne chez mes grands-parents dans la cambrousse du Nord-Finistère et racontent une certaine réalité que je vis tous les jours. Il y a beaucoup de vécu visiblement, cela sonne authentique ;

La prose est vive, capable de beaucoup d’éclats comme lors d’un enterrement hilarant et rock n’ roll, ressemblant à celui présent dans l’excellent « Mister Alabama » de Phillip Quinn Morris paru chez Finitude l’an dernier. Bien sûr, certains passages sont sales, repoussants et le meilleur exemple est cette lapidation de chien qui débute le roman mais globalement cette partie est très réjouissante, addictive et souvent particulièrement attachante et drôle tout en montrant bien les manques affectifs et éducatifs et prouvant surtout  qu’il faudra compter à l’avenir avec Simon Johannin.

J’aurais aimé que le roman s’arrête là puisque dans le final d’une trentaine de pages, nous assistons à la descente vers les enfers de la drogue du narrateur dans cet automne raconté de manière certainement trop brève et qui tranche trop avec le propos assez gouailleur du début. Le thème devient très dramatique mais aussi très commun, très souvent traité et de bien plus belle et prenante manière dans la littérature et semble donner à penser que le malheur arrive, finalement, quand on quitte le cocon « barbare » de la campagne. Par ailleurs, j’ai eu du mal à comprendre les raisons d’un tel anéantissement du héros en si peu de temps.

Certainement, Simon Johannin a forcé un peu le trait, n’a pas réussi à complètement maîtriser sa fougue, il n’empêche que ce premier roman surtout les premiers trois quarts prouve que les Editions Allia ont découvert un auteur de talent dont on reparlera certainement très vite.

Prometteur.

Wollanup.