Traduction: Sébastien Reizer.

On ne pourra pas dire que l’on était pas prévenu : tout est dans le titre. Marcus Sakey pour clore sa trilogie des Brillants ne fait pas dans la dentelle mais plutôt dans le macramé.

Il faudra au lecteur quelques jours pour se remettre de cette plongée psychotique dans l’horreur d’une guerre civile d’un nouvel age, celui des Brillants face aux Normaux, c’est à dire nous.

Vers la fin du 20 ième siècle, une partie infime de la population, 1% pour être précis, s’est en effet vue doter par la nature de nouvelles facultés cognitives la propulsant du stade d’Homo Sapiens à quelque chose de nouveau et de supérieur : l’état de Brillant. Ces prédispositions natales se situent à mi-chemin entre le génie pur et les prouesses de certains autistes, débarrassés pour la plupart de leur handicap social et profitant donc pleinement de leur incroyables pouvoirs.

Ces enfants surdoués ont grandi et leurs capacités ont profondément modifié le monde tel que nous le connaissons. La technologie ne cesse de faire des bonds en avant, le système financier s’est effondré… Une dichotomie profonde s’est finalement installée, car c’est une nation dans la nation qui a vu le jour. Un peuple pour l’instant sous contrôle étatique, mais pour combien de temps ?

Marcus Sakey avait fait preuve d’un brio incroyable dans son premier volet, jetant le lecteur dans un tourbillon extrêmement efficace d’intrigues et de scènes d’actions explosives dignes du meilleur blockbuster américain. Il a décidé par le suite de prendre quelque peu le lecteur à contre-pied dans un deuxième volume au tempo plus pesant, plus chaotique. Le glissement vers le coté obscur est annoncé, soutenu par une tonalité générale anxiogène où flirtent allègrement humour noir, décadence morale et survivalisme obsédant.

C’est cette veine qu’il continue d’exploiter dans ce troisième volet, sauf que le virage entrepris précédemment dans un grincement d’essieu se transforme ici en une vertigineuse descente vers l’enfer !

On y retrouve avec plaisir les principaux protagonistes de cette partie d’échecs aux nombreux volte-faces et rebondissements : l’agent Nick Cooper sauveur du monde, Erik Epstein le fondateur de la Nouvelle Canaan, John Smith le rebelle visionnaire maitre de stratégie, Shannon la brillante qui se décale ainsi que Soren le psychopathe au temps ralenti. Une mosaïque de protagonistes épaulés par de nouveaux personnages aux motivations troubles, orchestrant d’un chœur asynchrone un dénouement sauvage et pyrotechnique.

Marcus Sakey signe ce dernier épisode de la trilogie des Brillants en digne fils d’une Amérique traumatisée par le terrorisme et les bouleversements géopolitiques actuels. Une Amérique binaire et bipolaire en proie au doute, une super puissance qui voit ses fondamentaux balayés par la dégénérescence du tissu social et la décrédibilisation des pouvoirs publics. Les réflexions politiques et sociétales de l’auteur sur le terrorisme, la sphère complotiste ou le racisme servent de toile de fond à cette saga incendiaire et mutante, inscrite au tison d’un nouveau millénaire sur le fil du rasoir. On la sirote comme un cocktail Molotov lâché à la face d’un monde devenu dément.

Les Brillants tome 1 et 2 sont réédités chez Folio Policier.

Wangobi.