Sans ambages et sans emprunter des sentes non balisées cet écrit m’a enthousiasmé !  Tant par son style que par ses thématiques, l’auteur a su tisser un canevas juste et tout simplement littéraire.

« Plateau, c’est un hameau en Haute-Corrèze où réside un couple de vieux paysans, Virgile et Judith.Judith est maintenant atteinte d’Alzheimer, elle oublie tout sauf une chose : elle a mal vécu l’absence d’enfant dans le foyer.Le couple a élevé Georges, ce neveu dont les parents sont morts d’un accident de voiture alors qu’il avait cinq ans.Maintenant Georges vit dans une caravane face à la maison de Virgile et Judith.Alors lorsqu’une jeune femme rencontrée sur internet, emménage chez Georges, lorsqu’un ancien boxeur, Karl, tiraillé entre ses pulsions sexuelles et sa croyance en Dieu vient s’installer dans une maison du hameau et qu’un mystérieux chasseur sans visage rôde alentour, Plateau prend des allures de village où toutes les passions se déchaînent.”

On aborde cet oeuvre dans le creuset du tourment de personnages perclus de secrets, de non-dits et de passés lourds à soutenir.

On les déteste, on les conspue, on les méprise, on les comprend avec une empathie certaine… La gravitation de ces êtres n’a rien de naturelle elles se renvoient dos à dos à leurs tourments respectifs où manquent cruellement écoute et  dialogues. Le cadre de vie, les caractères inhérents à ses landes rugueuses voire inhospitalières fondent ces symptômes et le déroulement de cette fuite en avant.

J’y ai distingué des bribes, des tournures me faisant évoquer des textes d’Antoine Blondin, “Un balcon en forêt” de Julien Gracq. Mais nullement notre esprit et l’auteur convergent vers “Une humeur vagabonde” ou “Quat’ saisons”. La rudesse, la masse des souffrances conjuguées confère à l’écrit une trame concrète de roman noir. L’auteur a conquis mon esprit par son champ lexical, l’univers et l’ambiance dépeints. Ce retour aux sources concerne la plupart car on a tous en nous cette part terrienne, un caractère taiseux refoulé ou exacerbé… Ma plongée dans cette nature hostile et ces hommes lardés de rancœurs, de noirceur, de déviances  m’a paradoxalement transporté vers des souvenirs enfouis dans mon cerveau reptilien. Transporté aussi et, surtout, par ce lyrisme imparable gainé d’une poésie naturaliste. Franck Bouysse est de la trempe de tout ces auteurs nord américains du nature writing. Ébloui par cette prose sombre mes pensées ont vagabondé inéluctablement vers ces contrées rugueuses mais où regorgent des trésors écologiques et sensoriels.

La trace de ce bouquin me laissera comme des lacérations du mûrier ronce à la conquête du graal de baies convoitées pour me laisser une saveur complexe d’onctuosité, de rugosité, d’acidité et de  plaisir sucré.

Il en vient à considérer que tout homme est fait pour aller au devant du mystère , que l’immobilité ne vaut rien, qu’elle ne sert qu’à assouvir les pulsions de vie. Paradigme universel du vecteur de la destinée…

Chouchou.