Detroit – une ville dont tout le monde a déjà entendu. Une ville qui joue avec l’imaginaire et parfois fait fantasmer. On se souvient du Detroit filmé par Jim Jarmusch dans Only Lovers left alive, noire. Detroit est synonyme de musique, d’Eminem aux White Stripes, en passant par la Motown et les Gories. Pourtant, Détroit « Motor City » incarne l’image du chômage, des injustices et de la violence. Voilà comment résumer le roman de Fabien Fernandez, Detroit.

Malmenée par les rixes des gangsters, les liquidations judiciaires et les combats de chiens, Detroit observe ses habitants parcourir son ossature de métal et de goudron, guette celui qui la sauvera de sa lente décrépitude. Pendant qu’Ethan, jeune journaliste new-yorkais fasciné par cette ville au passé industriel et musical glorieux, explore les quartiers de Motor City jusque dans ses bas-fonds, Tyrell attend fébrilement le moment où, son année de lycée terminée, il pourra enfin prendre son envol. Mais victime d’accès de colère incontrôlés, il peine à éviter les heurts avec les membres des Crips et l’expulsion scolaire. Quand ses recherches mettent Ethan sur la piste d’un détournement de fonds au sein de l’établissement de Tyrell, il soupçonne rapidement que l’affaire est sérieuse… Tous deux vont s’opposer comme ils le peuvent aux gangs qui règnent en maîtres à Motown. Nul ne sera épargné.

Il est important de dire que l’intrigue de Detroit est menée à travers le regard de trois protagonistes qui ont chacun leur propre histoire. Ils sont indépendants et ne se rencontreront jamais. Quoique… Les chapitres sont titrés par leurs prénoms. Nous rencontrons Ethan, jeune journaliste plein d’ambition et amateur d’urbex (exploration nocturne de bâtiments désaffectés), puis Tyrell, un adolescent au passé mystérieux et dont l’avenir semble déjà tout tracé… et pour finir, Motor City, c’est-à-dire Detroit elle-même. C’est donc une construction déroutante qui, dans un premier temps, m’a rebuté. Mais c’est sans compter la force de l’auteur à glisser dans ces personnages qui viennent nous percuter au point qu’une forte attache nous lie. Les quitter en fin de roman est difficile.

On découvre Detroit à travers les regards de ces personnages sans tomber dans le récit documentaire. On sent que l’auteur a fait un travail de recherches impressionnant car le rendu nous plonge dans une réalité dont on avait qu’une minuscule idée. Detroit est une ville gangrénés par les gangs, les meurtres y sont à profusion. La police, par manque de moyens est résignée, classe les affaires à tour de bras. Les victimes anonymes se voient attribuer les noms de John Doe ou Jane Doe. Detroit est une ville où l’injustice règne, les riches qui restent sont toujours plus riches et détournent les fonds destinés à l’éducation. Les établissements scolaires sont vétustes. Les enfants délaissés, alors pourquoi ne pas se tourner vers le banditisme ?

Mais décrire Detroit sous cet angle serait réducteur ? Car Motor City compte son lot de battants : des policiers qui ont foi dans un avenir meilleur. Des enfants qui luttent contre eux même, contre cet avenir qui les mène tout droit au cercueil, le corps roué de coups ou de balles. Ces enfants qui trouvent un partenaire idéal, fidèle ; un chien. Ces mamans brisées par le malheur que l’instinct de survie pousse à s’acharner au travail pour sauver leurs enfants.

Voilà ce qu’est Detroit, une ville où le mot d’ordre est survivre. Autrefois grandiose, aujourd’hui dévastée. Pourtant Detroit n’a pas dit son dernier mot.

« Plus j’étudiais Motor City plus j’y trouvais d’humanité à raconter. Pour moi Detroit c’est ça, des gens du quotidien ou plus connu, tous exceptionnels. ET à l’instar de Tyrell, malgré les erreurs, malgré les horreurs, il est important de croire en cette humanité et de nous rebeller contre les puissants systèmes qui veulent nous en dépouiller. »

Bison d’Or