Cataract City

Traduction: Jean Luc Piningre

Dernièrement, on vous avait présenté « Les bonnes âmes de Sarah Court » qui n’a finalement pas eu l’écho qu’il méritait légitimement. Mais, aussi bon soit-il et il l’est réellement, ce roman peut être aussi considéré comme le galop d’essai avant  » Cataract City » situé sur les mêmes terres autour des chutes du Niagara et qui, lui, est une véritable petite merveille noire.

« Duncan Diggs et Owen Stuckey ont grandi à Niagara Falls, surnommée par ses habitants Cataract City, petite ville ouvrière à la frontière du Canada et des États-Unis. Ils se sont promis de quitter ce lieu sans avenir où l’on n’a d’autre choix que de travailler à l’usine ou de vivoter de trafics et de paris.

Mais Owen et Duncan ne sont pas égaux devant le destin. Tandis que le premier, obligé de renoncer à une brillante carrière de basketteur, s’engage dans la police, le second collectionne les mauvaises fréquentations. Un temps inséparables, sont-ils prêts à sacrifier le lien qui les a unis, pour le meilleur et pour le pire ? »

Il est des romans qui vous secouent, des histoires qui vous happent contre votre gré, des écrivains qui vous prennent aux tripes sans pitié, des pages tendres, humaines et bonnes qui se mêlent à des scènes cruelles, barbares, des romans que vous n’oubliez pas une fois la lecture terminée tant les émotions nées de leur lecture restent gravées dans votre cerveau peu habitué à de tels transports, des histoires avec des héros très ordinaires habités par des sentiments extraordinaires… Il en est assez peu, finalement, de ce genre de romans et « Cataract City » en est.

Craig Davidson est devenu célèbre grâce à l’adaptation cinématographique de sa nouvelle « Un goût de rouille et d’os » tirée du recueil de nouvelles éponyme et adapté par le maître du film noir français, Jacques Audiard. Ce roman confirme son statut d’écrivain hors normes.

Duncan Diggs et Owen Stuckey, gamins de prolos de Niagara Falls à la frontière avec les USA vont quitter ensemble, brutalement, le monde de l’enfance le soir de leur étrange rencontre avec leur idole « Bruiser Mahoney » catcheur dans un circuit professionnel de bas de gamme. Cet événement sera le point d’ancrage de leur amitié et par là même le moment de leur séparation. Chacun va prendre les voies qui lui semblent opportunes pour réussir à quitter « Cataract city ». Le début du roman est serein, offrant des pages attendrissantes sur l’envers du décor de cette triste foire qu’est devenu le site des chutes du Niagara et des gens qui y vivent toute l’année. Certains passages font penser à du Mark Twain de Tom Sawyer, du Tom Drury. Mais très vite, les choix de vie risqués de Duncan : courses de lévriers, combats de chiens, contrebande, combats à main nue font entrer le roman dans une autre atmosphère bien crade, un décor empli d’adrénaline et de testostérone, de sueur, de sang, de souffrance. 

Sans dévoiler l’intrigue, il est évident que les deux amis vont se retrouver bien des années plus tard après s’être perdus de vue mais sans avoir jamais oublié ce que chacun devait à l’autre depuis l’enfance. L’amitié dont parle Davidson si talentueusement est tout sauf mièvre ou édulcorée tant elle est plus forte que la haine, plus puissante que la morale, la loi et l’ordre.

Le final, au premier abord redondant avec une nouvelle scène au fond des bois, s’avère époustouflant en nous projetant dans un pur thriller. Certains souffriront peut-être tant certains passages sont éprouvants et glauques mais si vous ne devez lire qu’un roman noir cette année, celui-là, c’est du très lourd et ce serait vraiment dommage de passer à côté.

Du sang, de la sueur et des larmes.

Wollanup.