« KO à la huitième reprise » n’est pas un roman mais une grosse nouvelle du genre journalistique gonzo où le reporter est un des protagonistes, un des acteurs de l’évènement sur lequel il est en train d’écrire. Alors le terme aurait été créé pour parler d’ un article de 1970 du plus grand des auteurs gonzo,le célèbre et très surprenant Hunter S. Thompson, à qui on doit notamment le phénoménal « Las Vegas Parano » qui deviendra un film ensuite sous la direction de Terry Gilliam. Travail courageux car réellement fait en immersion comme Thompson vivant le quotidien des Hell’s Angels, il offre néanmoins une réjouissante subjectivité parce qu’il est souvent vécu à travers l’alcool ou/ et les drogues qu’ingurgite le journaliste et ensuite écrit dans un état très similaire. C’est souvent très instructif sur les mœurs de nos contemporains et passionnant quand cela relate un événement d’envergure mondiale pour nous en faire ressentir l’ambiance réelle et intime comme dans cette formidable nouvelle proposée par des éditions Allia qui prouvent ainsi que la beauté de leurs petits formats n’est pas leur seul atout. »

« J’avais prévu de vous chauffer avec les histoires hilarantes de mes maladies équatoriales… ma malaria, ma blennorragie, ma dysenterie, mon hépatite, mon intoxication alimentaire ; de vous entretenir de la marijuana la plus forte au monde, appelée bangi en lingala, la langue franque de Kinshasa et la langue officielle de l’armée du Zaïre francophone, dont le nom lui-même est dérivé de l’arabe maghrébin bhang… »

Je ne connaissais pas Bill Cardoso mais il fait vraiment partie de cette caste d’allumés du gonzo. Envoyé au Zaïre par le journal américain « New Times » pour couvrir le match du siècle en boxe Mohamed Ali George Foreman en 1974, la star symbole des Afro-Américains contre un boxeur qui a « renié » son âme de sportif noir, le chouchou des Zaïrois contre le favori des ennemis congolais voisins, Bill Cardoso sera contraint d’y passer cinquante jours et cinquante nuits et attendez-vous au pire vu ce qu’il picole et son goût immodéré pour la meilleure ganja du monde qu’il vient de découvrir au cœur de l’Afrique.

Si vous n’aimez pas la boxe, ce n’est pas grave parce que peu de pages parlent du match en lui-même. Toutes, par contre, parfois de façon indirecte, racontent cet étonnant fait de société pour lequel toute l’Amérique et une grande partie du monde avaient les yeux rivés sur le Zaïre, récent nom, à l’époque, du pays maintenant connu comme la république démocratique du Congo pour voir le triomphe de Ali, idole des Afro-américains contre Foreman considéré comme le valet des Blancs.

Pendant un peu plus de cent pages, nous assistons au vrai combat , ô combien déséquilibré celui-là, entre un Bill Cardoso complètement torché et une administration, une diplomatie et une sécurité zaïroises particulièrement obtuses. Nous rencontrons Norman Mailer et d’autres grands noms de la presse, sur place eux aussi, mais le personnage principal est néanmoins le président zaïrois Mobutu qui se voit en révolutionnaire alors qu’il n’est qu’un triste dictateur comme l’Afrique en produit tant.

Il serait vain de tenter de raconter le périple de l’auteur qui passe d’un sujet à un autre sans prévenir mais toujours avec un franc parler réjouissant et en même temps énormément subjectif, laissant deviner que son état instable africain dû à ses multiples addictions a persisté pendant le temps postérieur de l’écriture. Au milieu d’anecdotes, se perçoit aussi parfois une vision un peu infantilisée du pays à l’époque qui peut, peut-être, un peu gêner mais qui doit être remise dans le contexte d’ivrognerie récurrent de l’auteur pendant ces cinquante jours et ces cinquante nuits.

Au final, et ce n’est pas vraiment une surprise, vous verrez,  le journal New Times n’a jamais diffusé le travail qu’il avait commandé à Bill Cardoso…

Réjouissant.

Wollanup.