Il y a le blanc et le noir, il y a le yin et le yang, la raison et l’action, la radicalité et l’humanisme, il y a la componction et l’impénitence. Les dualités sont au cœur constant de notre société et pour certains ce sont des occasions de construire et pour d’autres d’anéantir. Tout un chacun possède cette capacité de réflexion dans cette dimension inextinguible d’évolution au sein d’une communauté. On se retrouve face à des personnages qui s’opposent par leurs classes sociales, leurs statuts professionnels et sociales, leurs visions de l’existence. L’enquête n’est pas le cœur du récit et les flics ont « naturellement » en leur sein les personnalités disparates constituant notre société. Et l’engrenage impitoyable noir de jais broiera des trajectoires, des rêves, anéantira des idéaux, révélera des déviances lytiques.

« Ici, une banlieue tranquille, un quartier résidentiel et ses somptueuses maisons dans lesquelles le gratin de la ville coule des jours paisibles… À quelques encablures, une petite cité, grise et crasseuse. Avec sa bande de jeunes désœuvrés qui végètent du matin au soir. Deux univers qui se frôlent sans jamais se toucher.

 D’un côté, il y a Kader, le roi de la glande et des petits trafics, Mélissa, la belle plante qui rêve d’une vie meilleure… De l’autre, Rayan, le bourgeois fortuné mais un peu détraqué… Et au milieu, Mattis, le flic ténébreux, toujours en quête de rédemption.

 Une cohorte d’âmes égarées qui n’auraient jamais dû se croiser… Des destins qui s’emmêlent, des illusions perdues, des espoirs envolés… Et puis, cette petite mécanique qui se met en place comme une marche funèbre… implacable ! »

Sans coup férir le saut dans la mer banlieusarde est profond et rude. Tout aussi prestement, on s’attache à des personnages qui suintent le bon faisant face au désarroi, au désoeuvrement, à l’absence de part onirique ou à son excès. Les hommes se livrent pour se délivrer d’un carcan instrumentalisé par nos politiques déracinés du terrain de  nos quotidiens. C’est bien dans ce condensé littéraire d’une réalité crue que Philippe Hauret puise le message d’espoir d’une société exsangue, gangrenée par l’arrivisme, l’abandon de valeurs, le refus d’accepter et de comprendre son prochain.

La lumière attire les borgnes et l’angélus refoule les parvenus. Sans parasite, le récit se tend d’une inéluctable dramaturgie en invectivant son lecteur d’une salvatrice parabole grattant la preuve que la clarté est universelle. Et de nouveau, au travers d’un personnage déchiré par un trouble dissociatif, Rayan, les symboliques récurrentes de nos sociétés émergent, trouvent appui, pour perpétrer l’irréparable.

La nuance est vaine, la réalité est dure, sans écho, sans ébauche d’une quelconque leçon. Le drame est ancré et Hauret cloue au pilori nos immuables oppositions vérolées d’une concorde.

(petit bémol pour l’avant dernier paragraphe semblant sorti de nulle part et brisant quelque peu la cohérence, de fil directeur)

Que Dieu lui pardonne, ça reste à voir !…

Contrition ravageuse d’un cumulus gonflé d’une haine ébène.

Chouchou.