Ahmed Tiab nous propose un polar marseillais, un polar marseillais avec tout ce qui est charrié par la cité phocéenne. De la Canebière aux quartiers nord, des forces s’opposent entre services de police de l’évêché et jeunesse en recherche chimérique d’une identité, d’une voie, d’un idéal de vie. C’est un polar d’aujourd’hui balisé par les scories, les déviances de notre société déliquescente qui renvoie des images froides par instant et fébriles à d’autres.

« Marseille, 2017. Les vidéos d’exécutions qui circulent sur l’internet donnent des idées macabres à un groupe d’adolescents, subjugués par la détermination et la froideur des bourreaux de Daech. Le commissaire Massonnier, lui, enquête sur une affaire de trafic de drogue et d’islamisme. Affaire qui va le concerner personnellement quand il s’apercevra que sa fille Maï y est intimement mêlée ! L’adolescente, en révolte depuis le divorce de ses parents et la nouvelle vie de son père, a décidé en effet d’entrer dans la cour des grands. Mais sera-t-elle à la hauteur du jeu proposé ? 

Il est certain que l’on est dans un classicisme éprouvé et l’originalité n’est pas un des points forts du roman. Il affiche avec rigueur, mais néanmoins sensibilité, les rouages de la conversion religieuse, voire dans des entreprises licencieuses terroristes, d’une jeunesse en perte de repères et surtout de compréhension, d’amour. Le désenchantement n’est pas l’apanage exclusif de celle-ci hors il contribue invariablement à cette perte d’estime, cette perte de latitude décisionnelle. Et c’est sans cette autonomie que la mue de l’adolescent, le jeune adulte, grève sa naturelle évolution. Par cela, ce prisme, l’auteur nous délivre un message simple, simple comme l’engrenage glissant vers l’abîme.

Donc effectivement l’on pourrait trouver ce récit basique sur ses fondements, n’usant pas de subterfuges ampoulés mais c’est bien aussi la force de ce réalisme cru. Les profils des personnages ancrés dans l’histoire restent crédibles malgré quelques menues incohérences ou passages manquant de fluidité. Face aux oppositions frontales des sensibilités s’affichent et créent un équilibre, un tableau consistant, réaliste.

Si cet effort nous présente le prologue d’une série marseillaise, à l’instar de sa trilogie oranaise, sa ville natale, il n’en est que plus d’intérêt, car effectivement on peut ressentir comme une certaine concision dans le propos et les personnages évoqués qui méritent ce développement constituant l’ouvrage kaléidoscope d’une mégapole bien trop souvent cantonnée dans des poncifs, des raccourcis éculés, des images d’Epinal paradoxales…

L’adolescence noire et la relation filiale mis à mal dans une société, une ville à la dérive.

Préambule d’une série qui pourrait présager d’une réussite à l’issue.

Classique sans circonvolutions!

Chouchou.

Chouchou