Je me souviens. Il y a 12 mois et des bananes, je proposais une chronique admirative de l’édition poche de Nitassinan, premier roman de Julien Gravelle, Français exilé dans le bois québécois. Là-bas, il se trace désormais une piste sur son traîneau littéraire, tracté par le talent qui est le sien. Fruit d’une collaboration avec l’éditeur de la Belle Province, Léméac, (traduisons par :  un deal), Les cowboys sont fatigués est la première escapade sur le terrain du roman noir de Julien Gravelle, d’abord publiée à destination de son lectorat américain mais avancée jusqu’à la gueule des Maudits Français par le Seuil en ce mois de janvier. 

Aux confins du Québec, dans la forêt boréale, Rozie vit seul dans son laboratoire clandestin entouré du froid et de ses chiens. Son job : assurer la fabrication d’amphétamines pour des trafiquants du cru. Seulement Rozie est las, et voudrait bien passer à autre chose, se ranger. Mais les dieux semblent en avoir décidé autrement, l’assassinat d’un gros bonnet va chambouler sa petite vie tranquille de chimiste. Son passé le rattrape, lui et sa véritable identité.


« Fond-du-Lac, 178 âmes aujourd’hui, avec pas un plan d’eau à moins d’un mille de là. Pour le lac, on cherchait toujours, mais le fond, on l’avait bel et bien touché».

Il semblerait que janvier devienne un mois consacré pour qu’un francophone nous balance un astie de bon roman, pétri d’inspiration nord-américaine. 2019, Le Cherokee de Richard Morgiève. 2022, Les cowboys sont fatigués de Julien Gravelle.  Je les rapproche, non pour les comparer (cela n’a aucun sens), mais bien pour exprimer la même jubilation. Julien Gravelle réussit indéniablement à rebondir sur l’autre rive d’une crique de genre. Le nature writing habité de Nitassinan laisse place à un roman noir dont le moteur nerveux continue à tourner et répondre malgré le grand froid. Ancré dans un territoire, peuplé de personnages incarnés et servi par un français créole dont le verjus ravira les amateurs d’explorations littéraires, géographiques et culturelles non moins que les rieurs à humour qui fait crisser les crocs. Ça coche des cases, beaucoup, et beaucoup de bonnes. Ils nous en feraient pas un film, à la fin, dites ?

On reconnaît sans trop de peine le territoire décrit par Julien Gravelle ainsi que les communautés qui le peuplent comme installés sur à proximité du Lac Saint-Jean, où l’auteur a son nouveau foyer. Entre citoyens ancrés au village et autochtones sur la drop, entre hommes rudes et voyous historiques, qui doivent s’ouvrir à un nouveau monde de violence et de trafic, c’est sur de truculents arpents de country noir que Julien Gravelle nous invite, arpents travaillés avec l’admiration non dissimulée de l’auteur pour Daniel Woodrell. Et pourquoi ne pas songer en effet à Faites-nous la bise à la lecture de ses Cowboys ?

Solide, vraiment pas de la pinotte. Enfin, y en a un peu quand même dedans. Va falloir te le cogner pour comprendre et tu seras pas déçu.

Paotrsaout