Chroniques noires et partisanes

LE DERNIER BAISER de James Crumley chez Gallmeister

Traduction : Jacques Mailhos.

Illustré par Thierry Murat.

Deuxième roman de l’immense James Crumley à être réédité par Gallmeister avec une nouvelle traduction, « le dernier baiser » écrit en 1978, est la première apparition du détective Sughrue. L’illustration de cette série de rééditions est un plus qui donne du cachet aux bouquins et les dessins en noir et blanc de Thierry Murat collent parfaitement au texte. Une très bonne occasion de découvrir ou redécouvrir Crumley, une des grandes voix du roman noir américain.

«  Pour Sughrue, privé officiant à Meriwether dans le Montana, ce contrat avait tout d’une aubaine. Budget illimité pour écumer les bars des États-Unis à la recherche de Trahaerne, auteur à succès porté sur les fugues autant que sur la boisson. Sitôt l’écrivain débusqué dans un bar miteux de la côte Ouest, Sughrue se trouve chargé d’une nouvelle enquête : il doit retrouver la trace de Betty Sue Flowers, jeune fille énigmatique disparue dix ans auparavant. La compagnie de Trahaerne étant plutôt agréable, notre privé embarque l’alcoolique dans son périple. Mais il ne pouvait prévoir sa fascination grandissante pour la disparue ni les ramifications sans fin de cette affaire où tous semblent sans cesse se jouer de lui. »

Sughrue est un détective spécialisé dans la recherche de personnes disparues, fugueurs ou tout simplement morts. Il est l’archétype du détective du roman noir : solitaire, sans illusion sur lui-même ou sur les autres, n’hésitant pas à noyer son désespoir dans l’alcool. Bien amoché par la guerre du Vietnam, il en avait déjà bavé avant. C’est un de ces personnages dont Crumley a le secret : dur et rugueux mais avec une capacité d’empathie extraordinaire, un looser magnifique qui aimante et attire les paumés en tous genres.

C’est lui le narrateur et Crumley lui donne une voix inimitable à la fois sombre et pleine d’humour, noir bien sûr. Pas étonnant que Sughrue s’attache à Trahaerne, écrivain à la recherche de l’inspiration dans des fugues alcoolisées. Il l’emmène avec lui dans sa deuxième quête presque sans espoir, sur la piste bien refroidie d’une fille disparue depuis dix ans : Betty Sue Flowers. Crumley nous entraîne dans deux directions, deux histoires qu’il mêle avec un grand talent de conteur.

Cowboy solitaire et vagabond, pour son enquête Sughrue parcourt l’Ouest américain du Montana à la Californie et rencontre toutes sortes de gens : des marginaux, des paumés, des tordus, des pourris… Crumley a un grand talent pour croquer des personnages inoubliables : hauts en couleur mais toujours crédibles et humains. Et même un bulldog alcoolique devient un beau personnage!

Tous ces êtres fracassés, dupés, floués par la vie, Sughrue les comprend bien mieux que ceux qui réussissent ou qui tirent les ficelles et cette empathie l’entraîne sur des chemins hasardeux. La souffrance peut rendre très dangereux, les méchants sont parfois des êtres torturés qui éveillent la pitié. Crumley nous plonge dans les bas-fonds tortueux de l’âme humaine.

Un roman vraiment noir, mais puissant et magnifique.

Raccoon

2 Comments

  1. le Bison

    Lu dans sa première version. Un grand roman de Crumley et un Sughrue émouvant. Avant j’avais lu un Milo Milodragovich… Difficile à dire si j’ai une préférence pour l’un ou pour l’autre… Les deux font des privés formidables d’humanité qui me permettent de boire du bourbon en même temps, juste histoire de les accompagner dans leur histoire…

    Crumley est un grand, dans l’univers du noir et du paumé. Un paumé noir qui flirte entre le caniveau et le comptoir, qui se prend des coups dans la gueule et le foie…

    Et beau titre que celui de Townes Van Zandt. J’aime beaucoup. Dans l’esprit j’ai un trio Steve Earle, Townes Van Zandt & Guy Clark concert au Bluebird, ça sent la musique de vieux cowboys, attablés seuls au comptoir en train de boire leur bière…

    • clete

      Merci pour ton commentaire le Bison. On est pleinement en harmonie et je ne vois pas quoi ajouter à ces intelligentes paroles même si, perso, j’ai une préférence pour le Milo de « la danse de l’ours ».

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