Chroniques noires et partisanes

LA BÊTE À SA MÈRE de David Goudreault / Editions Philippe Rey

Le hasard des sorties de début d’année fait que j’en suis à ma troisième histoire d’ados ou d’adultes bordeline qui, avec beaucoup d’application s’emploient à devenir des psychopathes tout à fait recevables. Si « Jesse le héros » de Lawrence Millman  lorgnait vers le discours moralisateur expliquant que les images diffusées à la tv avaient une forte influence sur des personnes au bord d’entrer dans la barbarie, provoquant un certain malaise chez le lecteur quand les situations déclenchaient une franche hilarité, « La bête à sa mère » se rapproche plus de « Jaqui » , l’auteur montrant très rapidement que les influences externes jouent un peu sur le mental du personnage principal mais que le mal est fait depuis très longtemps, sans nécessité d’une assistance extérieure. Ainsi, c’est toujours l’éternel débat : bousillé par la société ou largement flingué avant… et c’est le parti de la malfaçon originelle que semble privilégier le Canadien David Goudreault en racontant la geste pathétique et barrée du fils dans une prose souvent animée d’un humour ravageur.

« Ma mère se suicidait souvent.

Ainsi commence la confession d’un jeune adulte, qui ne se remet pas de la séparation d’avec sa mère, survenue en bas âge. Ses propos vibrent d’une rage contre ceux qui la lui ont arrachée. Sa mère devient sa véritable obsession, il pense l’avoir localisée à Sherbrooke. Mais saura-t-il se faire accepter par celle qu’il a tant idéalisée ? »

David Goudreault, dès le début, énonce un diagnostic de dysphasie, mais on s’aperçoit très rapidement qu’il souffre aussi d’une totale insensibilité à la douleur infligée à autrui ou aux animaux qui seront ses premières victimes comme chez tout bon psychopathe en formation. Notre « héros » est particulièrement dégueulasse, grand adepte de la pornographie et des jeux d’argent, alcoolo, toxico, voleur, et surtout particulièrement remonté pour retrouver sa mère qui l’a abandonné aux services sociaux très rapidement avant de disparaître encore plus vite.

Son parcours chaotique dans la société, entièrement voué à la recherche de sa mère va l’occuper à plein temps et lui faire nourrir des ambitions de cellules familiales reconstituées quand enfin, il va retrouver sa trace. Goudreault maîtrise parfaitement son sujet et montre adroitement la réalité des relations du personnage principal avec sa mère et les interprétations totalement erronées qu’il peut en faire. Nul doute que l’expérience d’éducateur de l’auteur lui a permis de croquer de manière très crédible, des hommes et femmes à la rue, en plein désespoir et « ruinés » par leur rencontre avec notre « malade ». Si le propos peut paraître léger, drôle, tant les délits mineurs de gosse capricieux peuvent et font sourire souvent, Goudreault sait aussi glacer le lecteur quand les « gamineries » laissent la place à l’abjection, à l’horreur.

Ecrit sans grandes qualités stylistiques notables, le récit se savoure néanmoins tant le mode d’écriture sied à la « quête ». Et s’il est nécessaire de mettre en garde les personnes fragiles et les amateurs des chats sur la rugosité du propos, n’oublions pas non plus de souligner la qualité d’un roman qui n’est que la première partie d’une trilogie déjà sortie au Canada et dont on espère pouvoir bientôt dévorer la suite dans « La bête et sa cage » et dans « Abattre la bête ».

Repoussant et attrayant.

Wollanup.

 

4 Comments

  1. Marie-Claude

    J’ai lu le premier tome. Si je l’ai trouvé original et rafraîchissant (fallait quand même oser. Au Québec, on est plutôt frileux – pas moi, par contre!), je ne me suis pas laissée tenter par les deux autres tomes.
    J’ignorais qu’ils allaient sortir en France. Tu comptes les lire?
    Cette trilogie a fait un immense tabac par ici…

    • clete

      Je pense que leur sortie dépend de l’accueil reçu par ce premier tome. Et chez Nyctalopes, j’ai fait un énorme flop avec ma chronique.
      Je me laisserai bien tenter par la suite, j’ai bien aimé même si cela ne vaut pas Jaqui dans le délire.

  2. Fanny

    J’ignorais que c’était une trilogie !
    Ça me donne envie !

    • clete

      Et la trilogie a fait un gros carton au Québec, dixit Marie Laure, autochtone bien informée…

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