Chroniques noires et partisanes

GUERRE de Vladimir Kozlov / Zapoï / La manufacture de livres.

Traduction: Thierry Marignac

Au delà d’un « simple » roman  GUERRE est un document, quasiment une étude journalistique, sur la Russie contemporaine. Les joutes entre un groupe anarchiste et les pouvoirs en place tendent à démontrer une fois de plus que cet état reste aux prises à des démons d’une démocratie balbutiante n’ayant pas franchie les limites floues d’une maturité politique dans ce jeune cadre.

« S’inspirant de faits réels ayant défrayé la chronique en Sibérie en 2010, Kozlov, à sa façon laconique, sèche, cinématographique et digne de Dashiell Hammett, nous offre un polaroid saisissant de la Russie d’aujourd’hui à travers le destin d’un groupe de jeunes « casseurs » anarchistes. Dans une ville de province russe, rongée par la corruption, pillée par les « gangsters en uniforme », quelques étudiants, filles et garçons, un ancien de la guerre en Tchéthénie, un musicien de rock, vont se rassembler sous l’égide d’un truandrangé des voitures pour mettre un terme aux exactions de la police, qui couvrent les abus de pouvoir en tous genres de l’administration locale, laquelle les protège en retour. »

Dans cette guérilla urbaine certains cherchent leur voie citoyenne, d’autres arc-boutent sur des certitudes volatiles et obsolètes.

Le pouvoir, l’organisation pyramidale de celui-ci conserve les relents des contours du kommintern, des soviets. Sans pour autant s’y référer, les strates archéologiques léninistes  sont dans les inconscients et conditionnent des hommes, des institutions.

C’est aussi, et surtout, le cadre du récit où une jeunesse en quête d’un rite initiatique politique tend à la réflexion sur leur univers dans son héritage propre. Par le biais d’un miroir de groupuscules à connotations anarchistes ou anarcho-communistes, le livre ponctue sa rhétorique en filigrane des buts d’inflexion, de déséquilibre du cours de leur société.

Kozlov relais d’un héritage littéraire et témoin de l’histoire, souvent brutale et jonchée de points de déviation tout aussi radicaux, nous délivre un message transfigurant par son style sec, sans esbroufe, parsemé de série de jams à l’hypocondre gauche. Le couple style/fond se marie comme les pièces d’un tan gram évident.

Vodka et Lada deux insignes de feu et de fer.

Chouchou.

4 Comments

  1. marignac

    Bel article, qui a fait très plaisir à Vlad quand je lui ai envoyé. L’empreinte soviet y est très bien vue. Et son style bien compris, comme traducteur, bien sûr, je suis de parti-pris.
    J’ai quelques réserves quant à la notion de « démocratie » de plus en plus fumeuse, quand on voit, par exemple, que dans la figure de proue USA, deux familles, les Bush et les Clinton, respectivement père et fils, et mari et femme (!), auront gouverné le pays un quart de siècle à elles deux, si, comme c’est probable, la mémère est élue. Si c’était en Afrique… ou en Russie, on crierait au scandale.

    • Chouchou

      Ah aucunement besoin de prêche pour un convaincu, je n’ai pas de vision binaire, manichéenne de notre monde et mon ressenti du livre ne se contente que de celui-ci sans extrapoler. En accord, donc, avec votre « réserve » en ayant conscience que les mass médias, en particulier, et par effet domino les peuples sont bernés mais aussi bien conscients de cet état de faits.
      Merci pour votre intervention, en précisant que je suis un de vos lecteurs où vous m’avez asséné des séries de crochets, directs littéraires « marquants »!

      • marignac

        Je vous remercie beaucoup de faire souffrir ma modestie aussi cruellement.
        Excusez-moi pour le prêche, c’est épidermique, dans l’infernal blabla permanent. Désolé d’avoir pontifié.
        J’ai le plaisir de vous annoncer, si vous ne le savez pas déjà, que Vlad, qui commence à avoir une assez bonne maîtrise du français, a mis votre article sur son site, aux pages françaises.

        • Chouchou

          Satisfait que notre hobby passionnel, en parallèle de nos boulots respectifs, trouve un écho favorable auprès des acteurs du monde littéraire. On est pas dans la concession, la condescendance, mais on tente d’exprimer ce qui vient de nos tripes, de notre épiderme. Merci et pas de souci aucun ce n’était qu’une « figure » de style, je ne l’ai pas pris pour un prêche mais bien comme un échange sur un de nos aliments spirituels et vitaux de nos existences… Au plaisir!

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