« Au Sénégal, l’inspecteur Gabriel Latyr Faye vient de réussir, après deux ans d’investigations, à coincer l’un des plus gros trafiquants de drogue du pays. Mais sitôt arrêté, celui-ci est relâché. Pour s’être rebellé contre cette décision venue de sa hiérarchie, Latyr est muté en Casamance dans une zone sous haute tension où s’affrontent trois groupes ennemis. Le jeune homme, qui ne connaît rien de son pays au-delà de la capitale, rencontre Aguène, une journaliste locale qui va l’aider à comprendre les enjeux de ce territoire et l’accompagner dans sa croisade contre la corruption. Au cœur de la tourmente : l’armée, les sécessionnistes, un clan secret baptisé « les chasseurs » et une curieuse panthère… »
Macodou Attolodé a quitté son Sénégal natal pour poursuivre ses études en France. Il s’y est installé ensuite de manière définitive. Par ailleurs, Ce néo-Rennais a été piqué un jour et de façon durable par une envie d’écrire. Une entreprise finalement couronnée de succès puisque le voilà qui débarque pour la rentrée hivernale avec un premier roman à la Série Noire, excusez du peu…
Un héros raide comme la justice (beaucoup plus que la justice en fait comme souvent en ce bas-monde, celle-ci servant surtout à préserver les intérêts des plus riches et à continuer à accabler les modestes) et surtout animé par une envie mordante de vengeance, se retrouve isolé en Casamance, région oubliée du Sénégal où persistent les vestiges bien réels d’un conflit qui dure depuis des décennies. Se sentant investi d’une mission alors que sa mutation n’a de raison que l’éloignement d’un jeune flic beaucoup trop zélé, Latyr va vite retrouver un terrain d’exercice à sa mesure et dont tout le monde se fout. Il ignore tout de cette région, de ces villages sans électricité qui vivent comme il y a des millénaires mais qui se retrouvent catapultés de sale manière dans le XXIème siècle par une excroissance monstrueuse du capitalisme et de la mondialisation, le trafic de stupéfiants. La came en provenance de Colombie emprunte maintenant de nouvelles voies avec des zones de transit africaines avant de débarquer au Havre ou à Anvers pour ensuite inonder l’Europe.
Avec la thune qui découle de ces trafics, les rats de tous bords montrent les dents et veulent une part du gâteau. Rebelles, forces gouvernementales, jusqu’au sommet de l’état, tout le monde veut en croquer et Latyr voit rapidement que les zones d’ombre qu’il entreprend d’éclairer agitent beaucoup de gens. Aidé par un petit groupe autonome qui lutte juste pour que son village soit épargné, Latyr ira au bout, quitte à éclabousser des « légendes » locales.
A une époque où tant de romans sont formatés sur le modèle anglo-saxon dominant, où l’ennui du « déjà vu » vous poisse rapidement, on ne peut que se réjouir de lire un polar sénégalais prenant une autre voie, plus originale, moins connue. Bien que racontant une histoire si tristement et universellement narrée, lue, montrée : trafic de came, blanchiment d’argent, corruption, violence aveugle inhérente à ce business… Macodou Attolodé se démarque en l’infusant dans un monde différent du nôtre, où existent encore des principes devenus obsolètes chez nous parfois : le respect de la parole des parents, l’écoute des anciens, considérés comme des sages, où la communication est encore très fortement oralisée avec parfois certains dialogues interminables quand ils ne sont pas un peu redondants. Le surnaturel, qu’on trouve souvent dans les romans d’Afrique noire, effectue de fugitives et terribles apparitions animalières sans influer néanmoins sur le cours de l’histoire. Sans être vraiment infernal, le rythme est maîtrisé, le suspense toujours présent et parfois éclairé par des scènes particulièrement spectaculaires.
Un instantané sénégalais instructif et intéressant.
Clete.
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